Paul BUFORN, émailleur d'art à Limoges et praticien de l'émail champlevé au burin, nous donne sa vision de cette technique... Le terme " champlever " vient du vieux français et veut dire " labourer " le métal, en taille d'épargne au burin. Le burin est cet outil biseauté qui, frappé au marteau, creuse le métal que l'on veut émailler. Cette technique remonte à 1170 (selon Jules LABARTE dans son histoire de l'Emaillerie 1860). Les premiers émailleurs furent ceux des Abbayes de Grandmont et de Saint-Martial de Limoges qui, après avoir été les apprentis durant deux années à Saint-Denis auprès d'artistes lotharingiens (mosans) graveurs et émailleurs, ont rapporté dans leurs abbayes cette façon de faire des émaux champlevés, et l'ont appliquée à leurs uvres d'art sacré. Châsses, reliquaires, ostensoirs, pyxides, bougeoirs, coffres, bassins, colombes eucharistiques, et tout un mobilier qui fit l'uvre de Limoges au XIIe et XIIIe siècles. Glorieux passé de nos émailleurs et orfèvres, présents dans les musées du monde entier, témoins d'une époque d'intense production d'oeuvres au caractère souvent intemporel et de grande qualité. " Pour ma part, j'ai consacré 20ans à rechercher la façon de graver, d'émailler et de dorer ces pièces champlevées, à retrouver l'esprit et le geste de l'artisan, les outils, les couleurs et leurs réactions au feu à 900°C. C'est un travail opiniâtre et laborieux, tant pour la gravure que remaillage, te polissage et la dorure ". | Processus technique Découpe de la plaque de métal, cuivre, or ou argent, d'une épaisseur de l'ordre de 1 à 2,5 mm d'épaisseur, à la scie bocfil ou à la cisaille. Battage du métal pour l'écrouir, planage, ponçage et limage. Mise en cire à cacheter (ciment des fontaines) de la plaque (la plaque s'enfonce dans la cire chaude et reste ainsi très stable sous les coups de burin après refroidissement). Dessin à la pointe sèche du motif sur le métal. Attaque au burin des contours avec l'onglette en frappant avec le marteau d'orfèvre (tête plate). Travail des grosses ciselures au burin pointu. Défonçage des fonds qui seront remplis d'émail, au burin plat. Travail des fines ciselures et du modelage des détails à l'échoppe. Ponçage de l'ensemble à la pierre fine ; nettoyage de la gravure au vinaigre. Emaillage à la spatule humide ; 2 à 3 feux à 900°C seront nécessaires pour remplir les creux, voire un de plus pour faire du relief (effet goutte de suif). Entre chaque cuisson on opère un nettoyage du métal au vinaigre, et un petit ponçage à la pierre de Cos (ou avec un tesson de terre cuite rouge polie), nécessaire pour éliminer toute la calamine du dernier feu qui entraînerait un défaut, une bulle, un louche de l'émail qui doit être très lumineux et pur dans sa vibration lumineuse. C'est un mandala, un émail champlevé. Les finitions se font par dorure ou argenture du métal par électrolyse ou au mercure, ancien procédé des premiers émailleurs, extrêmement toxique. |